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21 septembre 2007

Le destin de François Hollande

Ci dessous une analyse lucide et juste d'Alain Duhamel sur la situation du premier secrétaire du parti socialiste.

Depuis qu’il est entré en politique, François Hollande a toujours été sous-estimé. Il l’a été par la presse, qui lui reconnaît un vrai talent d’orateur, de la vivacité, de l’habileté, de l’humour (la qualité la plus rare dans les lieux de pouvoir), mais lui refuse obstinément charisme, autorité, donc finalement envergure. Jusqu’ici, la quasi-totalité des commentateurs ne parvient pas à le considérer comme présidentiable. Son goût du compromis, sa prédilection pour les synthèses, ses ruses, parfois ses roueries, lui sont toujours imputés à charge. Avant chaque congrès du PS on lui prédit le pire, et lorsqu’il sort vainqueur de ces épreuves obscures on traite son succès en sursis. Avant chaque élection on annonce son échec. Lorsqu’il conduit lui-même des campagnes, il obtient néanmoins des scores régulièrement supérieurs aux prévisions.


Personnellement, il s’est d’ailleurs fait élire dans une circonscription (en Corrèze) et dans une ville (Tulle) qui étaient tout le contraire de fiefs socialistes. Il fut, il est vrai, un franc partisan du oui au référendum européen. On l’a donc décrété démenti par les Français. Il est pourtant difficile de prétendre que le non ait été un non anti-Hollande. En fait, il est déprisé au moins autant en raison de ses qualités que de ses défauts. C’est d’ailleurs une tradition bien française. Dans ce pays où la politique est regardée comme l’art de la guerre, dans cette république qui aime tant les matamores, le talent, la souplesse, la dextérité inspirent plus de méfiance ou de condescendance que d’admiration : Edouard Herriot ou Edgar Faure ont déjà pâti avant François Hollande de ces préjugés. Il y a une forme de civilité démocratique, de prouesse parlementaire, de savoir-faire manœuvrier qui se transforment aussitôt en présomption de faiblesse ou de duplicité. Plutôt l’échec que l’habileté. Depuis la défaite de Ségolène Royal et malgré le renforcement du PS aux élections législatives sous la houlette du premier secrétaire, ce procès habituel est brusquement monté de trois tons. François Hollande a soudain été chargé de tous les péchés du monde. Pour les uns, ses dix années à la tête du PS n’ont été qu’une décennie gâchée : ils oublient le gouvernement Jospin, le plus long de l’histoire de la gauche et pas le pire. François Hollande était alors le principal interlocuteur politique du Premier ministre. D’autres lui reprochent l’échec de Ségolène Royal (était-il aux commandes ?) et quelques- uns lui font grief, pêle-mêle, de ne pas s’être opposé à elle ou de l’avoir protégée, de n’avoir pas aidé un autre candidat à surgir. Peu prennent en compte le fait que Nicolas Sarkozy était tout simplement mieux préparé, plus professionnel et mieux adapté à ce genre de combat.

Durant l’été, quelques quadragénaires saisis de fringale ont tenté de le contraindre à abandonner ses fonctions de premier secrétaire puis, à défaut, l’ont criblé de flèches assassines. Aujourd’hui, ils ne se satisfont pas de sa décision de ne pas briguer un nouveau mandat à la tête du parti. Ils voudraient l’évincer définitivement. Ils s’illusionnent. En quittant la direction du PS, François Hollande ne va pas s’affaiblir mais se renforcer. Incarner le principal parti d’opposition, c’est s’enfermer dans un rôle réducteur, terriblement impopulaire d’aboyeur quotidien, d’escrimeur obligé. La seule façon d’échapper à ce rôle dévalorisant est de le cumuler avec le statut de candidat naturel à l’élection présidentielle. C’était la méthode Mitterrand. François Hollande, lui, devra abandonner ses fonctions de premier secrétaire pour devenir présidentiable. Il n’aura pourtant pas perdu dix ans. A force de sillonner la France, de travailler les fédérations, de gérer la politique prosaïque, il s’est constitué un tissu unique de fidélités et de sympathies. Dans l’opinion, il a sur Ségolène Royal et sur Bertrand Delanoë, ses futurs rivaux, un retard aussi considérable qu’effaçable.

Au sein du PS, sa disponibilité, sa bonne humeur, son savoir-faire lui assurent de solides appuis. Ségolène Royal, avec son charisme baroque, son énergie minérale, conserve certes de forts atouts. Le maire de Paris ne manque ni d’autorité, ni d’éloquence, ni d’expérience gestionnaire et bénéficie d’appuis nombreux. François Hollande possède au départ autant de légitimité naturelle qu’eux.

En campagne, il vaut bien son ex-compagne ou l’homme de l’Hôtel de Ville. Dans le parti, tous les trois se situent dans la même mouvance. Ils appartiennent à la même génération. Ce qui les départagera, c’est la passion de briguer l’Elysée, l’appétit : vorace chez Ségolène Royal, intermittent chez Bertrand Delanoë, énigmatique chez François Hollande. C’est aussi la capacité d’exprimer des convictions fortes, des choix tranchés, des projets hardis. Sur ce terrain, Ségolène Royal a des intuitions, Bertrand Delanoë a des intentions, François Hollande a un bâillon. A lui de s’en défaire.

Alain Duhamel

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